Le retour des Revenants • Interview de Jimmy Desmarais

 

Jimmy Desmarais (photo : Constance Kistner)

Jimmy Desmarais est producteur chez Haut et Court. Avec Caroline Benjo, ils produisent la série Les Revenants. Elle est à ce jour la création originale la plus suivie de l’histoire de CANAL+. En 2013, la série a remporté l’International Emmy Awards de la meilleure série dramatique. Le tournage de la saison 2 des Revenants a débuté à la fin du mois de septembre 2014, en vue d'une diffusion à l'automne 2015.


Quel a été ton rôle dans la naissance et le développement de la série Les Revenants ?

Mon objectif chez Haut et Court était de développer une activité fiction télé, dans la continuité de leur ligne éditoriale de cinéma d’auteur. J'y ai pensé en feuilletant leur catalogue, qui contenait le long-métrage Les revenants, réalisé par Robin Campillo. J’aime ce genre d’histoires, et celle-ci en particulier de morts qui reviennent, mais qui ne sont pas des zombis. Je trouvais aussi intéressante la question de leur intégration dans la société, de savoir comment vivre avec eux et eux avec nous. On s’est donc lancé dans ce projet.


Quel était ton parcours avant d’arriver chez Haut et Court ?

Science-po communication et DESS en communication. Une première expérience chez Image & Compagnie, qui m’a permis de découvrir la fiction télé, suivi d'une école de scénariste pendant deux ans (Conservatoire Européen d'Écriture Audiovisuelle, CEEA). À l’issue de cette formation, j’ai commencé dans la production. Cela fait plus de 9 ans que je travaille chez Haut et Court.


Je t’ai entendu parler de la difficulté à préserver une dimension artistique dans le scénario, et de ne pas la sacrifier à l’exigence d’une série destinée à une diffusion à l'international. Quels ont été les écueils à éviter?

On n’a jamais pensé Les Revenants pour l’international, c’était une fiction française pour les spectateurs de CANAL+. À l’époque, il y avait beaucoup moins de productions internationales ou de séries conçues dans cette optique. Le cadre était franco-français. On a fait une campagne classique, et on a vraiment été surpris du succès rencontré à l’internationnal.


En préparant la saison 2, suite au succès de la saison 1, avez-vous réfléchi différement à la conception ou la réalisation ?

La façon d’écrire n'a pas changé. Le succès a bien évidemment pesé dans les réflexions (ce qui a plu, déplu, la notion du mystère, etc.). C’est davantage l’expérience que le succès de la première saison qui a fait évolué certaines choses.


Comment expliquez-vous le succès de cette série à l’étranger justement ? L’attention extrême portée à l’intime, à l’humain, des enjeux et propos universels, une atmosphère hors des frontières (à l'exception des gendarmes par exemple), une esthétique épurée particulière ?

Il y a cette French touch qui finalement est une fausse French touch puisque on a beaucoup travaillé à la stylisation de l’univers. On a par exemple retravaillé les uniformes des gendarmes, ce ne sont pas les vrais uniformes.

L’universalité du concept a particulièrement plu. Et ce qui est très français, c’est peut être la dimention intimiste. C’est également une série high-concept.

Que signifie "high-concept" ?

Il y a des séries qui reposent surtout sur le traitement des personnages. Pour cette série, il y a un concept dramatique très fort.

Fabrice Gobert a écrit le scénario et réalisé la plupart des épisodes. Comment avez vous travaillé avec lui ? Comment se passe le procédé d’écriture ? Quelle est la liberté accordée et à qui ?

La méthodologie est assez encadrée par la chaîne. C’est à elle qu' appartient la décision finale. C’est sur la base de textes qui lui plaisent qu’elle décide ou non de mettre en production.

En fonction de la relation du producteur avec la chaîne, c’est un dialogue plus ou moins serein. D’habitude il y a beaucoup d’étapes intermédiaires : pitch, synopsis, séquencier, puis scénario dialogué.

Or, on a très rapidement réussi à travailler à partir de versions dialoguées. Ensuite il y a eu beaucoup de réunions, de discussions, d'échanges de notes. CANAL+ a lancé la production sur la base de trois épisodes validés. Il faut convaincre avec ces premiers épisodes. Une fois que c'est fait, l’accélération est brutale : il faut produire les épisodes suivants, et la production et le travail d’écriture se font quelquefois de pair.


Êtes-vous liés d’une manière ou d'une autre, ou bien même consultés, pour la réalisation des remake à l’étranger ?

Aux États-Unis, The Returned va être diffusé prochainement. Nous étions associés artistiquement, mais nous avons préféré voir ce qu'ils avaient envie d’en faire et où ils emmèneraient la série.


Dans la première saison des éléments expliquant le contexte ou l’intrigue étaient mis à sa disposition sur le site internet de la série, des indices pouvaient être découverts dans des arrière-plans. Cela a-t-il été un atout pour nourrir le buzz autour de la série ? Allez-vous faire la même chose pour la saison 2 ?

Je ne sais pas. Je pense que c’est la série surtout qui a su capter l’attention, avant que les réseaux sociaux ne s’en emparent et ne la relaient. Aujourd’hui encore, il y a énormément de réactivité dès qu’une information apparait.


Quelles sont les sources d'inspirations du réalisateur ?

Plutôt que Twin Peaks qui est une référence assez générale, facile, dès que l’on souhaite créer un univers un peu fantastique, Fabrice s'inspire plus volontiers du photographe Gregory Crewdson, ou encore de la bande dessinée Black Hole de Charles Burns.


Que peux-tu dire à ce stade sur la saison 2 ?

Elle commencera cet automne. Il y a de nouveaux acteurs (dont Laurent Lucas), un petit pitch a été diffusé, mais on ne dit rien d’autre.


Qu’est ce qui t’a apporté le plus de satisfaction dans ta participation à la réalisation de ce projet ?

Il y a un moment absolument magique, ce sont les premiers montages.


Est-ce que le succès de la première saison vous a donné plus de temps, plus de confort pour la deuxième ?

Plus de temps, absolument pas, au contraire. Il faut enchaîner vite. En France, on a beaucoup de mal à faire une saisonnalité sur un an. C’est une série d’auteur, le processus d’écriture est le même que pour la première saison. Cela reste long et demande de la maturité. Il y a aussi beaucoup d’attentes des téléspectateurs.


Avec Caroline Benjo vous avez reçu Les Emmy Awards en 2013 pour Les Revenants. Quelles retombées ce prix a-t-il eu pour Haut et Court ?

Bien avant les Emmy, la diffusion sur Channel 4 en Angleterre nous avait déjà apporté beaucoup de visibilité internationale. Aujourd'hui, la plupart de nos productions est en anglais et naturellement tournée vers l’international.


Quels sont vos projets en cours ?

Il y a une série en tournage en ce moment, Panthers, en co-production avec CANAL+  et Sky Atlantic en Angleterre. Il s'agit d'une mini-série de 6 épisodes à très gros budget. C’est l’histoire des Pink Panthers originaires d’ex-Yougoslavie, qui volaient des diamants dans les plus grandes bijouteries. On suit 4 personnages, l’un d’eux joué par Tahar Rahim, et on y découvre les nouvelles formes de criminalité en Europe, les collusions entre la finance, les banksters, les intérêts partagés et l’Union Européenne.

On travaille également sur une série en cours d'écriture, campée dans le Saint-Tropez des années 50.